L’exposition : une pierre angulaire des TCC
Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, l’exposition constitue un des principaux éléments utilisés en thérapie cognitive et comportementale (TCC) pour travailler sur ses phobies. De façon plus large, l’exposition peut nous être utile pour toutes les situations que nous avons tendance à éviter par peur ou anxiété. Elle est ainsi indiquée dans le traitement TCC des troubles anxieux : trouble panique avec ou sans agoraphobie, phobies spécifiques, anxiété sociale, trouble anxieux généralisé, état de stress post-traumatique. Nous verrons que l’exposition est également adaptable aux troubles obsessionnels compulsifs (TOC), aux addictions et aux troubles du comportement alimentaire.
Alors qu’est-ce que l’exposition ? La définition la plus simple serait de dire qu’il s’agit de « faire face aux peurs que l’on a tendance à naturellement éviter ». Le concept étant plutôt simple, il se trouve que c’est plus facile à dire qu’à faire : après avoir expliqué comment la psychologie comportementale comprend les troubles anxieux, nous détaillerons les cinq règles qui favorisent une exposition réussie.
Comment nait et se maintient un trouble anxieux ?
Dans une optique TCC, un trouble anxieux nait par conditionnement répondant et se renforce par conditionnement opérant. Pour faire plus simple, votre cerveau, indépendamment de votre contrôle, a fait un lien entre la situation ou l’objet de votre peur (les araignées, la conduite, prendre le bus, vos sensations désagréables, une émotion réprimée…), et la réaction physiologique de peur. Cela explique que de façon automatique, dès que vous vous retrouvez une nouvelle fois dans la situation, vous ressentez de l’anxiété immédiatement. Généralement, le trouble anxieux se maintient ensuite par les évitements : à chaque fois que vous ne vous confrontez pas à l’objet de votre peur, votre cerveau n’apprend rien sur sa capacité à y faire face. Pire, il assimile la situation ou l’objet anxiogène à une réaction d’évitement qui devient automatique tant elle est efficace sur le moment. Si bien qu’à chaque nouvelle situation, votre cerveau interprète que la « meilleure façon » d’y faire face est un évitement. Vous vous retrouvez dans une situation où vous faites quelque chose qui fonctionne à court terme… et maintient voire renforce votre trouble à long terme.
L’évitement peut être situationnel (ne plus me rendre dans les endroits bondés car je m’y sens mal et que je crains d’y faire un malaise), mais aussi cognitif (chercher à ne plus penser à ce qui s’est passé dans mon enfance) et émotionnel (je ne veux pas me sentir triste alors je me force à penser de façon positive). Ainsi l’exposition, elle aussi, peut être situationnelle (je m’autorise progressivement à me retrouver dans des endroits bondés) ou expérientielle (je m’autorise à observer mes pensées avec bienveillance, et à ressentir de la tristesse lorsque quelque chose est difficile pour moi).
Comment changer cela ? Vous l’avez compris, le but du jeu est d’agir sur les évitements. L’exposition, lorsqu’elle est réalisée dans les bonnes conditions, peut conduire à une extinction de la réaction de peur conditionnée.
Les 5 principes de l’exposition en TCC
5 principes permettent de réaliser une exposition efficace :
- L’exposition doit être librement consentie : il s’agit d’une évidence pourtant nécessaire. Le consultant doit être pleinement consciente des mécanismes et des enjeux de cette méthode thérapeutique. De même, l’exposition est contrôlable à tout moment, c’est-à-dire que seul le consultant peut décider de retarder ou de stopper une exposition.
- L’exposition doit être graduelle : après avoir listé un ensemble de situations, nous commençons par la moins difficile, celle qui occasionne le moins d’anxiété. Après l’avoir répété un certain nombre de fois, le cerveau ressent plus de contrôle et il est possible de passer à la situation suivante.
- L’exposition doit être prolongée, c’est-à-dire qu’elle doit durer un certain temps de manière à ce que l’anxiété ait le temps de diminuer environ de moitié. C’est cela qui permet au cerveau de s’habituer et d’associer un sentiment de contrôle à la situation ou à l’objet de la peur.
- L’exposition doit être répétée, et idéalement proche dans le temps. Plus vous vous exposerez et plus souvent, plus votre cerveau pourra « déconditionner » sa réponse de peur apprise.
- L’exposition doit être complète, c’est-à-dire réalisée « en pleine conscience » et sans micro-évitement. Le micro-évitement pourrait être de fermer les yeux, de chercher à penser à autre chose, à réduire l’anxiété par la volonté, d’appeler quelqu’un au téléphone, etc. Il est nécessaire de s’autoriser à ressentir tout ce qui présente à vous lors de l’exercice.
Construire sa hiérarchie d’exposition
Afin de construire la hiérarchie d’exposition, il est nécessaire de lister les situations et les facteurs qui vous mettent en difficulté, puis en les combinant il est facile d’obtenir une première hiérarchie d’exposition.
J’emprunterai ici l’exemple de Daniela Eraldi-Gackiere et Pierluigi Graziani issu de leur ouvrage « Exposition et désensibilisation ». La consultante décrite présente une phobie des chats, et identifie trois facteurs qui contribuent à sa peur :
- la couleur du chat : du moins au plus anxiogène : noir, blanc, tâcheté, tigré
- l’âge du chat : plus il est vieux, plus cela provoque de peur
- la distance : plus la consultante est proche, plus cela est difficile
Pour réaliser une exposition vraiment graduelle, il est possible de proposer à la consultante de commencer par une exposition en imagination : le psychologue va guider la consultante pour l’aider à rester au contact de ses pensées et sensations lorsqu’elle s’imagine dans des situations avec un chat.
Une illustration métaphorique de l’exposition aux chats en TCC !
Après cette première étape, la hiérarchie d’exposition établie est la suivante. L’inconfort suscité est évalué par une note entre 0 et 100 :
- voir un chat à la TV : 20
- regarder un chat sur une photo plus de 20 secondes : 20
- toucher une photo de chat : 30
- voir un chat jeune à plus de 20 mètres et le regarder : 35
- voir un chat tigré à 20 mètres : 40
- voir et regarder un vieux chat tigré à 20 mètres : 45
- voir et marcher vers moi un chat à 10 mètres qui me regarde : 55
- voir marcher vers moi deux chats : 60
- un chat à moins de 5 mètres qui me regarde : 65
- un chat qui me regarde et miaule à moins de 3 mètres : 70
- un chat à moins de 3 mètres dans un endroit fermé : 75
- un chat qui court et vient vers mois à 50 centimètres : 80
- plusieurs chats « agités » qui miaulent autour de moi : 85
- être entourée de chats à moins d’un mètre : 90
- être entourée de chats qui peuvent me toucher : 100
Le processus thérapeutique consistera ensuite à accompagner la consultante dans ces exercices successifs, en travaillant d’autres compétences annexes pour l’aider à faire face lorsque quelque chose bloque. Certains exercices d’exposition peuvent être réalisés au cabinet, d’autres en dehors.
A la fin du suivi, la consultante se dit satisfaite des résultats. Elle n’a plus besoin de fuir la présence de chats, l’aversion et les symptômes physiques ont disparu. Elle n’apprécie pas particulièrement les chats mais ne les craint plus, ce qui lui permet de ne plus refuser les invitations chez ses amis propriétaires de chat, et elle a même pu passer ses vacances en Egypte, pays qu’elle souhaitait visiter depuis sa jeunesse mais qu’elle évitait car les chats y sont nombreux.
L’exposition avec prévention de la réponse
La prévention de la réponse signifie est utilisée principalement dans le trouble obsessionnel compulsif. Il s’agit de s’exposer volontairement à des situations anxiogènes, tout en trouvant des stratagèmes afin de réduire les compulsions habituelles, dont on sait qu’elles maintiennent le trouble. Nous y reviendrons dans un article ultérieur sur le TOC.
La prévention de la réponse est également utilisée dans l’accompagnement des personnes souffrant de troubles addictifs et des troubles du comportement alimentaire. Dans l’exemple d’une personne souffrant d’une dépendance à l’alcool, il s’agirait de s’autoriser, en respectant les cinq principes cités ci-dessus, de pouvoir progressivement aux contextes problématiques (une soirée chez des amis, un bar…) tout en mettant en place des stratégies permettant de maintenir l’abstinence. L’exposition avec prévention de la réponse étant un poil plus complexe que l’exposition simple, elle ne sera pas plus détaillée dans cet article.
Une nouvelle lecture de l'exposition avec la thérapie ACT
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) constitue une nouvelle forme de thérapie comportementale et cognitive (TCC) qui permet entre autre de conceptualiser l’exposition dans une optique plus large.
L’exposition ne concerne plus strictement les situations évitées dans le monde extérieur, mais plus largement tout ce qui constitue notre expérience intérieure (sensations, émotions, pensées, souvenirs, images mentales…). Il s’agit de contacter la posture psychologique selon laquelle nous sommes prêts à accueillir tous les événements intérieurs en nous, qu’ils soient agréables ou pas, simplement en les observant, en les laissant circuler en nous, sans les juger. Cette posture, qui se travaille tout au long du processus thérapeutique, permet à terme de ne plus ajouter une couche d’émotions secondaires à celle des émotions primaires : plus besoin de se sentir coupable d’être en colère, d’être en colère contre notre déprime… ou dans le cadre des troubles anxieux, d’avoir peur de notre anxiété ou de nos angoisses, ce qui constitue fréquemment un cercle vicieux duquel il est difficile de se défaire.
Cette posture psychologique permet à la fois des bénéfices curatifs et préventifs. En effet, la souplesse psychologique qui permet d’observer nos événements extérieurs sans les combattre ni les juger, réduit aussi considérablement les risques d’apparition des difficultés psychologiques quelles qu’elles soient. Cette façon de faire, désignée dans le langage courant par les termes d’acceptation, d’ouverture, de lâcher prise, de non-jugement ou encore d’équanimité, se travaille entre autre en constatant le coût de la lutte contre nos événements intérieurs, mais aussi en pratiquant en thérapie de courts exercices de méditation, ainsi qu’en favorisant la pleine conscience de soi au quotidien.
En tant que psychologue sur Nice, je vous accueille dans mon cabinet situé au sein du Centre Médical et Paramédical Palais des arts à Nice. Je propose aussi des suivis par téléconsultation. Pour plus d’informations vous pouvez consulter mon site internet https://psychologue-tcc-nice.fr/